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Grand entretien avec Agnès PANNIER-RUNACHER

Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, Agnès PANNIER-RUNACHER a placé la reconquête industrielle au premier rang des priorités de son ministère, portant notamment l’initiative « 2019, année de l’industrie » et le volet industriel du pacte productif 2025. Mme la Ministre a accordé un entretien à la FIEEC, publié dans le numéro 2 du magazine ELECTROTECH, téléchargeable ici et consultable ci-dessous.

 

Alors que la nouvelle année commence, quel bilan faites-vous de 2019 en tant qu’année de l’industrie ?

Un bilan très positif : notre action porte ses fruits et doit s’intensifier ! L’année de l’industrie est née d’un constat : alors que le rebond industriel est là, l’industrie pâtit toujours d’un déficit d’attractivité, comme en témoignent les difficultés pour nos entreprises industrielles à recruter les talents dont elles ont besoin pour se développer. Sur plus de 240 000 projets de recrutement prévus en 2019, ce sont ainsi plus de 54% qui sont estimés difficiles par les industriels selon Pôle emploi. L’objectif était donc de nous mobiliser collectivement – Etat, industriels via France Industrie et l’UIMM, et opérateurs publics via BusinessFrance et Bpifrance – autour de la marque French Fab, pour promouvoir l’industrie auprès du plus grand nombre, et notamment des jeunes.

Plusieurs événements organisés sur le territoire national ont permis tout au long de l’année de donner à voir l’industrie telle qu’elle est : à la pointe de la transformation numérique et de la transition écologique, offrant des métiers passionnants et des carrières diversifiées et bien rémunérées. C’est le cas du French Fab Tour qui s’est achevé à Paris, après une cinquantaine d’étapes partout en France et une tournée d’été qui ont rencontré un vif succès. Autre exemple, la Semaine de l’industrie 2019, qui a connu une mobilisation sans précédent avec plus de 800 000 participants, principalement des jeunes et leurs familles, aux près de 4 800 événements organisés partout en France. C’est deux fois plus que l’année dernière. A l’international également, plus de 110 entreprises et fédérations françaises se sont réunies sous le pavillon de la French Fab à la foire d’Hanovre ou encore du salon Global Industrie, références internationales des salons dédiés à l’industrie. Une nouvelle édition de l’Usine extraordinaire s’est également tenue à Marseille en novembre.

 

Nos industries sont impliquées directement dans quatre comités stratégiques de filière : quel regard portez-vous sur les CSF ?

Depuis 2017, et la nouvelle impulsion donnée au Conseil national de l’industrie par le Gouvernement, le rôle des filières industrielles autour des 18 CSF a été considérablement renforcé. Ceci se traduit notamment par une contractualisation qui engage la filière et les pouvoirs publics autour de projets structurants. Ces contrats de filière identifient les enjeux clés de la filière et fédèrent les énergies sur des projets s’articulant autour de cinq axes prioritaires : accélération du développement des PME et ETI, digitalisation, R&D, formation et internationalisation. 16 contrats de filière ont d’ores et déjà été signés, et deux autres le seront d’ici la fin de l’année.

L’action des CSF est essentielle et cette nouvelle forme d’action publique donne des résultats très concrets. Pour le CSF des Industries Electroniques, citons notamment l’IPCEI Nano2022 qui permettra de maintenir l’excellence française dans les technologies clés du numérique, le Technocampus qui accompagnera les entreprises de la filière dans leur démarche de transformation vers l’industrie du futur ou encore la signature d’un EDEC pour adapter et anticiper les besoins en formation et compétences. Il est également important que la filière poursuive son action pour se positionner en tant qu’acteur clé de la transformation numérique pour nos entreprises. Le CSF Nouveaux Systèmes Energétiques, qui vise notamment à développer une industrie française des smart grids, travaille au développement d’un socle numérique pour standardiser et normaliser les échanges de données, et accélérer le déploiement des solutions et services énergétiques en France et à l’export. Enfin, les contrats des CSF Industries de sécurité et Infrastructures du numérique, labellisés en novembre dernier, devraient être signés prochainement. Le premier fédère une communauté d’acteurs variés qui conduira des projets répondant à des enjeux très actuels : la sécurité des grands événements et des JO 2024, l’identité numérique, ou encore le numérique de confiance. Ce dernier s’attache à mettre en place une offre cloud de confiance, conformément au souhait de Bruno Le Maire. La filière Infrastructure du numérique pour sa part propose des projets ambitieux dans la 5G et les territoires intelligents.

 

Comment entendez-vous faire de la reconquête industrielle un levier de l’atteinte de l’objectif de plein emploi en 2025 ?

Le Président de la République a demandé au Gouvernement le 25 avril dernier de travailler à la préparation du Pacte productif. Avec ce Pacte, nous voulons miser sur la production en France pour contribuer à atteindre le plein emploi en répondant à deux défis : la transition écologique et énergétique d’une part, la transition numérique d’autre part. Produire en France, c’est bon pour l’emploi et c’est bon pour nos territoires.

Le Pacte productif, c’est d’abord un triple constat. En premier lieu, le creusement de l’écart entre les taux de chômage en France et dans les principales grandes puissances, en même temps que la part de l’agriculture et de l’industrie dans le PIB chutent et que le déficit de notre balance commerciale s’accroît. Ensuite, l’impératif d’anticiper les grandes mutations écologique, numérique et démographique, auxquelles notre économie va devoir s’adapter et, idéalement, en faire des opportunités. Enfin, la nécessité de concilier le développement de l’activité productive en France et les objectifs de nos politiques environnementale, sanitaire ou énergétique : c’est l’exercice de cohérence et de transparence que le Président de la République souhaite que nous menions.

Le Pacte productif, c’est donc un horizon clair, pour projeter l’économie et la production françaises à cinq, dix voire quinze ans. Quelles sont les activités qui nous permettront de saisir des opportunités de création de valeur, d’emploi, mais aussi d’assurer notre souveraineté ? Comment lever les freins à la compétitivité de notre économie, anticiper les besoins en compétences et formations, accompagner le développement des nouveaux modèles économiques ? Quels partenariats nouer avec nos homologues européens, les collectivités et les territoires, mais aussi les entreprises et les salariés pour construire une vision commune du développement de la production en France ?

Afin d’élaborer ce Pacte, une consultation a été lancée le 8 juillet auprès des corps intermédiaires que je remercie pour leur mobilisation. Au terme d’un travail qui aboutira à la fin de l’année, notre objectif est de construire un pacte pour l’emploi, écologique, et un pacte courageux, qui reflète de véritables choix pour la production en France, assumés collectivement après avoir laissé s’exprimer les contradictions.